Entretien croisé avec
Julie Rouanne et Mélodie Baschet

Qu’est-ce qui t’a inspirée pour écrire Ici souffle le vent ?

Julie (l’autrice) : C’est avant tout un territoire particulier qui m’a inspiré l’histoire. Une falaise islandaise sur laquelle nichait des macareux moines. Ce paysage a très vite fait écho à un autre, visité quelques temps auparavant : un volcan des Açores dont les pentes plongeaient à pic dans l’océan. Dans les deux cas, les falaises étaient bordées de plages de sable noir, donnant aux lieux une impression particulièrement saisissante. J’ai donc écrit Ici souffle le vent après avoir été prise entre les embruns océaniques et la brume qui, lorsqu’elle s’est levée, a dévoilé une immense falaise.

Le troupeau de l'Association Clinamen par Rose Le Bescond

Photographie prise par Julie lors de son voyage en Islande

L’histoire se déroule en Islande : as-tu mené des recherches spécifiques pour imaginer l’univers du livre ? Quelles ont été les principales étapes, de la conception initiale à la réalisation finale ?

Mélodie (l’illustratrice) : Je ne connais pas l’Islande, je n’y suis jamais allée, donc j’ai commencé par regarder beaucoup d’images et j’ai gardé celles qui m’inspiraient le plus : les paysages, les lumières, la faune, la flore et les macareux, bien sûr ! Après, en général, je relis plusieurs fois l’histoire et je laisse les images arriver. J’esquisse alors les premières idées de mise en page, je trouve les traits du personnage principal, ce sont les crayonnés. Cette première étape est le vrai démarrage et permet d’échanger avec l’auteure et les éditrices. On ajuste, on échange, puis vient la mise en couleur. Pour moi, avec la peinture, c’est le moment le plus important où tout devient vivant et sensible.

Pourquoi as-tu choisi la thématique générale de « grandir » ?

Julie : J’avais déjà envie d’écrire une histoire avec cette petite fille vive, curieuse et très autonome pour son âge. Milda a 7 ans et s’inscrit dans son territoire. Elle a l’habitude de parcourir la côte océanique sur le bateau de son papa. Ce jour-là, elle décide de faire un pas de plus dans l’exploration. Elle saute sur le sable noir, toute seule. Je me souviens de moments dans mon enfance pendant lesquels je me sentais grande. Avoir l’âge de raison a été une étape clé, et j’ai voulu, avec cet album, parler de cette sensation propre à l’enfance qu’il est difficile de nommer.

Comment t’est venue l’idée de développer le regard croisé d’une enfant et d’un oiseau ?

Julie : En vivant cette aventure, Milda sent qu’elle grandit et que cette sensation n’appartient qu’à elle. Je voulais faire se croiser deux personnages qui évoluent dans un même écosystème et qui font leurs propres expériences, chacune indépendamment de l’autre. Lorsqu’elles se croisent, elles comprennent qu’elles vivent une étape importante, se toisent et décident qu’il est judicieux d’attendre ensemble plutôt que de continuer chacune de leur côté. Les deux personnages se rencontrent à un moment de grande indépendance et, en partageant une expérience, sortent grandies de leur aventure.

Extrait de La Cavale de Rose Le Bescond et Lucile Birba, éditions Panthera
Extrait de La Cavale de Rose Le Bescond et Lucile Birba, éditions Panthera

Crayonné puis réalisation à la gouache par Mélodie

Quel style graphique as-tu choisi d’adopter pour Ici souffle le vent, et pourquoi ce choix te semblait-il pertinent pour ce projet ?

Mélodie : Comme il est beaucoup question d’éléments naturels, j’ai voulu qu’ils soient très présents, enrobants et particulièrement la brume. Pour la représenter, j’ai choisi de jouer avec le cadre de la page et le dessin des volutes à la gouache. Parfois, la brume vient remplir toute la page, avec des tons plus sombres, inquiétants, et parfois elle s’efface pour laisser voir le paysage, le ciel bleu ou les personnages. Plus symbolique, elle est un lien entre l’imaginaire et la réalité…

Extrait de La Cavale de Rose Le Bescond et Lucile Birba, éditions Panthera

Dans l’atelier de Mélodie

Comment as-tu défini la palette de couleurs et les formes pour traduire l’ambiance et les émotions du récit ?

Mélodie : L’Islande est un pays très contrasté et c’est avec ça que j’ai eu envie de travailler : les couleurs sombres du sable et des falaises et la blancheur presque phosphorescente des plumes d’oiseaux ou de l’écume des vagues. J’ai beaucoup utilisé les gris colorés et joué avec le blanc du papier. La brume, comme un rideau, se referme et s’ouvre pour faire entrer la lumière, ponctue les moments de l’histoire : parfois rassurante comme un cocon quand Milda et Vik sont ensemble, parfois plus inquiétante quand elle efface les repères du paysage. Elle se transforme, se modèle comme les apprentissages de l’enfance.

Quels messages ou valeurs souhaites-tu transmettre à travers cet album ?

Julie : Même si l’album se passe en Islande, il s’agit de deux personnages qui explorent leur environnement proche. J’encourage les enfants à ne jamais cesser de découvrir la nature qui les entoure et à cultiver la curiosité et le respect pour l’autre, qu’il soit humain, animal, végétal…

Extrait de La Cavale de Rose Le Bescond et Lucile Birba, éditions Panthera

Photographie prise par Julie lors de son voyage en Islande

Comment avez-vous abordé votre collaboration respectivement pour que vos illustrations et vos textes s’enrichissent et se complètent parfaitement, créant ainsi une harmonie entre l’image et l’écrit ?

Julie : Nous avons fait quelques aller-retours entre le texte et le storyboard, puis les images définitives. Mélodie m’a demandé de préciser les personnages, notamment la relation entre Vik et sa grand-mère. Nous nous sommes vues plusieurs fois en visio. Je voulais laisser à Mélodie le champ libre pour interpréter mon texte et je trouve qu’elle a tout à fait saisi les enjeux !

Mélodie : Nous avons surtout échangé au départ. Quand j’ai découvert le texte, j’avais certaines propositions à faire, notamment sur le personnage de Vik, le petit macareux, et sa grand-mère, de ne pas trop lui donner un aspect humain en l’habillant. J’aime que les animaux soient le plus naturels possible et elle était d’accord. Julie a validé les premières images de paysage et de personnages, et c’était parti !

Extrait de La Cavale de Rose Le Bescond et Lucile Birba, éditions Panthera

Dans l’atelier de Mélodie

Couverture de Gustave et la tactique du hérisson de Elisa Dupont et Sarah Flan, éditions Panthera

Ici souffle le vent

Julie Rouanne & Mélodie Baschet

L’album évoque avec poésie la puissance de l’imaginaire et la transmission intergénérationnelle, porté par des illustrations envoûtantes où la brume et la lumière se répondent pour sublimer l’atmosphère du récit.