Entretien avec
Alice Schneider
Au cours de la préparation de tes illustrations pour Belle-Dent, t’inspires-tu d’images, de paysages, de choses existantes, ou bien imagines-tu complètement les scènes dans ton esprit ?
Je collectionne les photos de paysages dans mon téléphone, album mer, album fleur… J’ai ouvert l’album montagne et j’ai pioché !
Quelle technique utilises-tu pour illustrer Belle-Dent ? Cette technique a-t-elle nécessité un apprentissage ou bien t’es tu perfectionnée toute seule ?
Belle-Dent a été dessiné au pastel à la cire. Mon médium de prédilection aux Beaux-Arts était la peinture à l’huile, donc c’est assez naturellement que le pastel gras m’est venu pour des plus petits formats. Je ne me suis pas perfectionnée à proprement parler pour cette technique, je l’utilise de la même façon que j’utilise l’huile : par couches de couleurs et par empâtement de matière.

Comment choisis-tu les couleurs ? Une planche t’inspire-t-elle une couleur en fonction de ce qu’il s’y passe ou bien sélectionne-tu ton panel de couleurs au préalable ? Par exemple, Belle-Dent a le pelage bleu, pour quelle raison ?
Habituellement, je ne choisis pas vraiment mes couleurs, elles viennent instinctivement à moi. Mais pour l’histoire de Belle-Dent, j’ai fait une vraie recherche de couleurs pour travailler la lumière des montagnes et de la forêt en fonction des saisons. Il me tenait vraiment à cœur que chaque chapitre fasse renaître une nouvelle saison.
Pour ce qui est de la couleur du pelage de Belle-Dent, je crois qu’il a avoir avec mon obsession pathologique du bleu, donc rien de vraiment réfléchi pour le coup !

Pourquoi avoir choisi de parler de la chasse et pas d’un autre aspect de la vie d’une meute de loups ?
Je voulais parler de la vie normale des loups, d’un drame dans la normalité. Le loup doit chasser pour vivre, la chasse est dangereuse, des drames peuvent arriver, le loup doit continuer à vivre.
Quel message souhaites-tu faire passer à tes futurs lecteur.ices au travers de ce récit ? Est-ce que c’est la famille et la solidarité de la meute ou bien le côté sauvage et naturel de la chasse que tu voulais mettre en avant ? Peut-être justement cet équilibre entre les deux ?
C’est une histoire sur le deuil et la magie de la fraternité. L’histoire se déroule sur un an, chaque chapitre représente une saison. Le changement de lumière dans le paysage marque le temps qui passe et dilue le chagrin de Belle-Dent. L’arrivée de la petite sœur qui n’a rien connu du drame et sa joie de vivre vont guérir le chagrin de son grand frère.
Je voulais parler de la vie, de ses aléas et de toutes les ressources guérissantes qui nous entourent comme le temps, la nature et les liens familiaux.
La chasse est dangereuse, la meute est solide.
La vie est périlleuse, la fraternité est magique.

Les loups sont-ils tes animaux favoris ? T’intéressent-ils plus que d’autres animaux, et si oui, pour quelle raison ?
Je suis assez fascinée par l’ambivalence du loup. Dans l’imaginaire, les contes mais aussi la vie, c’est un animal qui fascine autant qu’il terrifie.
Il y a une jolie ambivalence dans son caractère car le loup est solitaire mais fonctionne en meute, avec un fort esprit de famille. Et puis, visuellement, je les trouve magnifique, ils sont comme une sorte de grands chiens sauvages gracieux, très agréables à dessiner.
T’identifies-tu au personnage de Belle-Dent ?
Belle-Dent tient la même place que moi dans sa fratrie : l’enfant du milieu. Je me suis clairement servie de mon expérience pour dépeindre l’idée que le plus petit peut parfois être le plus grand, le plus sage ou le moins peureux. Qu’il faut s’affranchir de l’injonction du grand frère à être forcément le plus courageux ou le plus fort.
